Tourisme sexuel, racisme, solidarité… Notre discussion avec un malgache

Tourisme sexuel à Madagascar, racisme, solidarité….

Partis trois jours sur une mer calme, nous avons eu le temps de parler avec Daouly, notre piroguier. Il avait un très bon français. Comme on s’entendait bien, je crois qu’on a eu sa confiance. C’est un gars heureux, sympa et honnête, qui touche à la cinquantaine.

Le tourisme sexuel

A parler de la société, de nos différences, nous avons commencé à discuter du tourisme sexuel à Madagascar. Un fléau qui touche ce pays, et pour une grande partie des mineurs.

On lui a demandé ce qu’il en pensait, pourquoi ça existait à Madagascar. « Les parents poussent leur fille à se marier jeunes avec des wazahs (les blancs) pour qu’elles ramènent de l’argent à la maison. Leur âge ? 13 ou 14 ans. Oui, à cet âge elles peuvent avoir une relation de sexe avec eux.». Nous lui avons demandé ce qu’il pensait des parents. « Je ne les juge pas. Moi, je ne le ferai jamais car je veux que tous mes enfants aillent aux études.».

Mais de tels actes brisent évidemment la vie d’un enfant.  « Ah oui. Il y en a parfois qui se suicident. Parfois, ça n’est pas le destin d’une fille de 13 ou 14 ans. Elles ne le sentent pas, elles ne le veulent pas. Alors, après, elles ne sont pas bien ».

Mais alors, si tu sais que quelqu’un le fait dans le village, que fais-tu ? « Je ne peux rien faire.  Je ne juge pas. On ne peut pas juger. Si je juge et que je dis quelque chose, je peux avoir de gros problèmes. On peut dire avec la famille, avec les amis très proches. Et encore. J’ai un ami proche, je le lui dirais peut-être. Mais c’est pas sûr. Parce qu’ici quand on dit quelque chose de l’autre, ça peut devenir un très très gros problème. »

La famille : un clan soudé ?

Je crois qu’en fait, on était un peu étonnés qu’il nous dise que même en famille, on ne puisse pas trop partager ses avis. Qu’en est-il de la solidarité familiale à Madagascar ? Est-ce qu’il y a une vraie entraide ? « Oui, mais dans un cercle très proche. Mes parents, ma femme, mes enfants. Mais pas plus. Non, non, il ne faut pas se faire des idées. J’ai reçu un cousin éloigné il n’y a pas longtemps. Je lui ai ouvert les portes de ma maison. Je l’ai nourri. Il venait chercher un travail. Puis il a dû partir précipitamment. Quelques jours plus tard, je cherchais du matériel de pêche : mon masque, mon tuba. Ca n’était plus là. C’est lui qui me l’avait volé. Ma femme l’avait vu quelques jours avant dans la cabane où il y avait le matériel ». Parce que parfois il y a des vols au sein de la même famille ? « Oui, oui, ca arrive fréquemment. Quand on est un peu moins pauvre ? Tout le monde te prend. Parce qu’il faut partager. Alors, après tu n’as plus rien. »

Toujours du racisme

Puis nous avons doucement glissé vers le sujet du racisme. Nous voulions savoir s’il avait parfois des clients racistes dans sa pirogue. « Oui, oui, j’en ai eu ». Mais le voit-il ? « Tu le vois de suite. Ils ne veulent pas trop te serrer la main. Ils sont contents d’être là, mais en même temps ils critiquent tout. En fait, ils sont pas contents. Et puis, ils parlent, ils disent qu’il y a trop d’Arabes en France, et que ça fait plein de problèmes ».  Face à ce type de comportements, nous lui avons demandé comment il réagissait. « Boh tu sais, je navigue. Je ne parle pas trop. Je garde la distance. ».

Et toujours le sourire

Cet homme est bon vivant. Il ne cesse de rire. On lui demande alors comment on vit la mort à Madagascar. « La mort ? Non, je n’ai pas peur. La mort c’est la mort. Quand t’es mort, t’es mort. Voilà ». Si c’est triste ? « Eh bien, non ! Là, on vit, je vis. C’est ça qui est important. Et puis, tu sais, je suis habitué à vivre au jour le jour. Là, la saison, elle va commencer, donc il y aura plus de business. Mais avant, tu ne sais pas si tu vas avoir assez d’argent. Donc je vis au quotidien. ».

Matt

Evetmatt Jaiuneouverture

Bienvenue sur ce site pétri de nos mains avec un peu de levain, de connexion cyclothymique, et d'amour. Enfants du pays du canard, mariés et Parisiens pendant 7 ans, nous avons quitté femmes et enfants il y a un an pour faire tel Spoutnik le tour de la terre. On n'est pas encore sur orbite, mais on est contents quand même. Et on vous le partage ici ! Eve et Matthieu

2 commentaires :

  1. Je pense que l’on est seulement à même de juger ses semblables. Donc on ne peut que juger ces vieux occidentaux mais personnes d’autres. Les locaux ont une société, une éducation, un environnement, une mentalité trop différents.

    Mais bon maintenant grâce à vous je sais où passer ma future retraite! :p *Humour*

    • Bien d’accord avec toi et c’est pour cela qu’on est rempli de curiosité. C’était vraiment bien de pouvoir échanger avec une personne qui parle bien français pour être de sûr de se comprendre.
      Ne change rien à ton humour 😉
      Eve

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