La peur en mer. Une énorme peur en mer proche de Morombe à Madagascar
Vous n’avez pas eu de nouvelles de nous ces derniers jours parce que nous étions en mer. La première partie de ce périple a été calme et très très belle. La deuxième nous a fait réellement peur, puisque nous nous sommes retrouvés face à la puissance de la mer, et disons-le clairement, on aurait pu y rester.
Ne vous inquiétez pas plus, puisque si nous écrivons ces lignes, c’est que tout va bien.
Mais on vous raconte ici, une histoire qui va nous marquer à vie, on le pense.
Pirogue et mer calme
Nous sommes partis d’Ifaty à Morombe en pirogue pendant 3 jours. C’était conseillé par le Guide du Routard, nous avons fait le tour du village, pris les conseils d’expatriés français résidents à Ifaty. Bref, nous sommes partis sur la mer avec deux piroguiers qui nous avaient été fortement recommandés. Ces 3 jours ont été très sympas. Un très petit vent. C’était très lent, très calme, magnifique.
Il était prévu à Morombe que nos piroguiers nous laissent et nous recommandent deux autres personnes pour aller de Morombe à Morondave. Nos piroguiers nous font rencontrer deux autres marins, ils ne parlent pas français, on conclut un prix, tout se passe bien. On décide d’un départ à 3 heures du matin.
On recroise le piroguier dans la soirée. Il nous montre sa pirogue. Elle est grande, bien entretenue.
Dans la nuit, on entend qu’il pleut, justement à 3 heures du matin. On se dit alors qu’on ne peut pas partir, et ça tombe bien, personne n’arrive. La pluie s’arrête peu de temps après. Et notre piroguier arrive finalement à 6 heures du matin.
Bref, tout est normal. Juste un changement : le second piroguier est remplacé par le fils du capitaine, un adolescent. Sa femme vient aussi, et son gamin de 1 an et demi. On sera donc 6 sur la pirogue. Mais elle est grande, pas de souci.
On part donc. Et rien de neuf. On est tranquille. C’est comme les trois derniers jours. Il fait beau, un peu frais, la mer est plate.
Et puis, il y a un peu plus de vent
Et puis doucement, il y a un peu plus de vent, un peu plus de vagues. A ce moment-là, on commence à être un peu moins à l’aise. Mais on sait qu’il y a une passe un peu difficile sur le trajet. Et puis on voit que le piroguier gère vraiment bien son truc. Il donne les bons coups de pagaie. Il scrute tout le temps l’horizon, il est concentré. Et puis on se dit que c’est beau. Alors finalement, on s’apaise, et on regarde tout ça. On a les yeux écarquillés. Les vagues sont belles. C’est une première de se sentir au creux de la mer. On fait partie de la mer. Et puis, tout cet univers draine un imaginaire, celui du marin, de la mer, de la nature, des couleurs. Pour Eve, c’est comme être privilégié d’être au cœur de cette masse, en vrai.
Et puis une demi-heure après, une heure après, on ne sait pas trop, le vent devient beaucoup plus fort, les vagues s’agrandissent de plus en plus. On ne voit plus la côte. On est au milieu de toutes ces vagues. On est dans une petite tempête. On essaie de parler avec le capitaine, il nous dit juste un mot en français, « tranquille ».
L’émerveillement s’arrête là. Et nous commençons tous les deux à avoir une boule au ventre.
Le vent est tellement fort qu’ils baissent la voile. Le fils a vraiment du mal à gérer. Son père lui parle fort pour lui donner les instructions. Comme il n’y a plus la voile, tout se gère à la pagaie. On voit arriver des vagues énormes, et on a l’impression qu’elles vont nous dévorer. Pour ne pas chavirer, le piroguier nous fait prendre les vagues de côté, parfois on surfe dessus.
Des vagues cassent sur nous
Et puis une grosse vague arrive et l’eau commence à rentrer dans le bateau. Matthieu est bien mouillé, et là on a franchement peur.
On échange peu de mots, mais on rationalise : ça n’est certainement pas la première fois pour le piroguier. S’il gère comme ça, c’est qu’il est très expérimenté. Lui comme sa femme sont calmes. Et puis, ils ont pris leurs petits avec eux, alors c’est qu’ils devaient se sentir en confiance.
Puis une autre vague arrive, et Eve est complètement trempée elle aussi. Elle dit avec fermeté au capitaine « STOP. Maintenant on rentre. STOP les vagues. Terre. Terre. ». Il répond 3 heures. On ne comprend pas si on arrive à 3 heures ou dans 3 heures. Il ne nous comprend pas. D’après le soleil on se dit qu’il est 2 heures de l’après-midi.
On est 6 personnes, sur une pirogue longue de 6 mètres, large d’1 mètre, au milieu de ces vagues de 2 mètres. L’eau est marron. Il y a beaucoup de vent. C’est impressionnant. On a le sentiment qu’on peut être submergé à tout moment. On est minuscule.
On ne voit pas la côte. Il y a une seule pirogue au loin. Des vagues partout. Le bateau est emporté par les vagues. C’est normal, mais les planches de la pirogue bougent. Dès que le piroguier donne un mauvais coup de pagaie, l’eau rentre dans le bateau.
La peur arrive
Matthieu redit sur un ton dur au piroguier qu’on doit regagner la côte maintenant. Mais pour rentrer, il faut suivre les vagues, et elles ne vont pas dans le sens de la côte. Le piroguier semble maîtriser son truc, mais la nature est vraiment grande et puissante.
On est resté vraiment calmes. On n’a pas paniqué car on s’est dit qu’il ne fallait pas mettre trop de pression sur le piroguier, et qu’il fasse une erreur fatale. On s’est imaginé chavirer, et a on a réfléchi à comment faire pour s’en sortir si c’était le cas.
Puis à nouveau de l’eau est rentrée dans le bateau.
Et on a attendu. Accrochés à notre pirogue en faisant l’effort d’avoir confiance.
Ça a duré 6 heures.
Nerveusement, c’est dur.
Puis, on a aperçu de plus en plus la côte. Une côte magnifique avec du sable blanc, de l’eau turquoise, de la mangrove, des palmiers. Il y avait encore des vagues, petites, beaucoup de vent, et la voile s’est cassée. Le piroguier a utilisé une bâche pour voile de secours et on est rentré comme ça.
On a failli y passer
On est arrivé dans un village paumé. Au milieu de rien. Il y avait un gars qui parlait français. On lui a expliqué qu’on ne voulait pas reprendre le bateau, qu’on avait eu trop peur. Et il a fait la traduction entre nous et le piroguier.
On a demandé au piroguier s’il avait eu peur. Il nous a répondu qu’il avait prié Dieu pour qu’on s’en sorte.
On n’a pas eu la peur de notre vie, mais on a eu peur pour nos vies. On en reparle, et on ne s’est pas vu mourir, mais on s’est vu chavirer, et attendre en pleine mer, sur un bout de bois. Peut-être que ça revient au même.
On n’est pas des inconscients. On s’est renseigné, on a pris des conseils, on a suivi les recommandations.
Mais c’est arrivé. On a eu peur. Maintenant on est fatigué. Ça nous a mis un coup. Mais tout va bien.
On vous embrasse,
Eve & Matt
Seuls les vrais, ceux qui ont combattu l’Ocean, savent !! Mais bon les gars, là, va falloir ralentir sur les conneries !!!
J’en connais qui ont fait des conneries pour être « sauvés » par la marine espagnole… Mais nous on n’en a pas fait de connerie ! 🙂
Ravie que tout se soit bien terminé. Une sacrée experience. Prenez bien soin de vous.
Merci Houda pour ton commentaire qui fait plaisir. Après cet épisode, ça fait du bien. 🙂
J’ai déjà fait un trajet en pirogue à Mada et je n’arrive même pas à imaginer ce que vous avez pu ressentir. Disons qu’il ne faut pas vraiment faire confiance au matériel malgache, alors cette pirogue était un peu exceptionnelle et vous avez eu un bon piroguier 🙂
Reposez vous bien maintenant.
Bises de Paris !
Céline
Oui heureusement, nous avons de la chance.
Bises de nous de Morondave
A bientôt Céline
Eve
Ça c’est du récit! Bonnes aventures les louloups
Merci Hélène ! Le retour en France, ca va ?
Ça c’est du récit! Bonnes aventures les louloups
Oh la vache !!
Non, ici, c’est des zebus. 🙂
Oh le zebu !
🙂
Matt
Salut,
j’espère que rien n’est vrai? Ni la pirogue, ni le flingue d’avant.
On s’y attache nous à nos petits baroudeurs.
Je préfère penser que rien n’est vrai.
Vous avez beaucoup d’imagination.
Biz
🙂 . Oui, tout est faux. Même ton commentaire, même ce site. Même Internet. Même le monde. En fait, nous ne sommes pas en Tour du monde, puisqu’il n’y a pas de monde. Et d’ailleurs, je ne sais même pas ce que je fais en tapant sur des touches d’un truc qui me renvoie des lettres sur un écran éclairé.Où est on ?
🙂
Matt
Ce début de roman est passionnant… hâte de lire la suite. J’ai quelques idées de naufrage que j’ai vécu personnellement il y a quelques années pour vous aider si besoin…en attendant pensez à prendre des cours de voile…car le voyage continu..Bisous immenses à vous deux
Laurent
Tu as été naufragé ? Où ? Pour le fichier, faut que retrouve le code. 🙂 Mais je vais m’y atteler.
Matt
Dans le Parisien ce matin : « L’affaire de la pirogue », Eve et Matthieu Gaillard, un couple fraichement marié a pris le large en janvier 2014 pour un Tour du Monde de 2 ans. Au bout de 6 mois de voyage et d’émerveillement, tout s’arrête, ils chavirent… à Madagascar.
C’est ça que vous voulez qu’on lise ???????
STOP, Maintenant vous rentrez ! STOP les conneries. France. France.
Punaise, j’espère que Moïca n’a pas accès à internet depuis votre départ…
C’est vrai que ca serait moche. même si je pense qu’on aurait au mieux la une sur la Depeche du Midi, feuillet Tarn et Garonne, rubrique sports et loisirs.
En tout cas, et ca c’est bien vrai, on va être dans le magazine Essentiel de Madagascar ! Un journaliste nous a contacté pour qu’on se rencontre ces prochains jours.
🙂
Bisous
Matt
wow, am glad you guys are ok now… be safe!
eh c
We try. Thanks Jack
Votre récit me donne des frissons dans le dos et je n’ose imaginer ce que vous avez dû ressentir pendant ces 6h. Heureuse qu’il n’y ait plus de peur que de mal. Faites attention à vous!
Merci Magali. 🙂
définition de la vie : la vie est une maladie incurable qui conduit à la mort, fait aggravant elle est sexuellement transmissible !!!
tous ceux qui voyagent savent que l’on découvre aussi un autre rapport au danger, à la sécurité, faut ‘il pour autant rester chez soi ?
continuez à être prudent, à Madagascar, en Afrique c’est indispensable !!!
vous avez pris les avis du routard, de français connaissant les deux cultures, de Malgaches, difficile de faire mieux. il ne vous reste plus qu’à prendre conscience que c’est à vous dévaluer le danger. je vous aime je tiens à vous très fort et et je vous souhaite bon vent! (pas trop!!!)
Bruce
Couillon, tu m’as mis les larmes aux yeux… Merci. Ce message nous touche. Bisous Bruce
Oui oui,
tout est faux. Même les jours anniversaires.
Hier peut être c’était surement l’anniversaire de… Matthieu?.
Quoi qu’il en soit des vrais-faux nez, des fausses vraies-illusions de vrais naufragées… je la lui souhaite et très très très bonne et très très très agréable et t t t chaleureuse son année. Aussi longue aussi que longue est route qu’il vous reste à parcourir.
S’il y en a!
Pour faire court. Biz
Merci ! Matt
Bonjour, je découvre votre super blog, que je vais désormais suivre!
D’origine malgache, j’admire toujours les personnes faisant confiance aux piroguiers pour des traversées en mer… Je n’ai toujours pas franchi le cap pour ma part, avec le nombre d’occasions que j’ai eues… Chapeau!! Mais ej vous comprend, même avec beaucoup de renseignements et de précautions, on n’est jamais à l’abri d’un « problème » technique!
Bonne continuation, au plaisir de vous lire
Merci beaucoup Nicole. Là, c’est vrai qu’on a fait confiance. Et qu’on a eu de la chance…!
Coucou tous les deux
Je viens de lire votre récit « piroguier » ! Lorsque je l’ai eu terminé j’avais le ventre en vrac, alors je n’ose pas imaginer ce que vous avez traversé, vécu, ressenti…
Malgré toutes vos précautions, la nature a été une fois de plus la reine du bal. Mais oufff vous êtes là et c’est l’essentiel. Un souvenir qui vous unira pour très longtemps et que vous aurez la joie de raconter à vos enfants puis à vos petits enfants !!!
Bonne continuation à tous les deux et bon vent (si j’ose dire !!!)
Gros bisous
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