Dominique Masseron, c’est un personnage. Un gars incroyable que nous avons rencontré et à qui nous avons soumis notre questionnaire « Comment tu vois la vie ? ». Ses réponses sont intéressantes, poétiques et libres. Comme lui !
Votre prénom ?
Dominique
Votre âge ?
65
Où vivez-vous ?
A Ambositra à Madagascar.
A partir de quelle distance quelque chose est loin ?
Quand je ne peux pas l’imaginer.
Si c’est la galaxie ? Non, c’est quelque chose que je ne peux pas imaginer. Je peux imaginer la galaxie, je peux imaginer la Chine parce que j’ai vu tout ça sur Internet, donc j’en ai une représentation. Je peux m’en rapprocher, m’en éloigner à mon envie.
Si à 10 000 kilomètres, c’est loin ? Non, si je sais que ça existe, si je connais, c’est pas loin.
Avec qui vivez-vous ?
Tout seul.
Si c’est un problème ? Non, parce que je suis dans mon petit monde à moi, dans mon enthousiasme à moi, dans ma dynamique à moi et que ça va très bien. S’il y a quelqu’un qui a envie d’y rentrer, bienvenue. Mais si personne n’y rentre, je me suffis à moi-même. En gros…
J’ai passé l’âge d’un certain nombre d’urgences. (Il rit). Beh, c’est une réalité, je veux dire, quand même. Mine de rien. Donc bon, ça va très bien. (Il rit).
Quel est votre métier ?
Vagabond efficace. Je prends quelque chose, je le réalise.
Depuis quand j’utilise cette expression ? Depuis que j’ai 16 ans. C’est le titre d’un livre. Je ne me rappelle pas exactement le nom de l’auteur. C’est un livre sur l’éducation. Ça s’appelle les vagabonds efficaces. Vous cherchez les vagabonds efficaces sur Google, vous allez trouver très facilement, c’est le titre d’un bouquin de… Deligny ! Ca y est. Fernand Deligny ! En fait, c’est un type qui faisait de l’éducation avec des délinquants et des pre-délinquants.
Combien d’heures travaillez-vous par jour ?
En ce moment ? En général ? En général, je suis une bête de travail. Je peux me taper du 18 heures par jour sur une durée de 2-3 ans sans le moindre problème et sans ressentir de fatigue.
A 65 ans ? Oui, bien sûr. De 62 à 65, c’est ce que j’ai fait. Pour lancer la marqueterie, je faisais 15 heures, 18 heures par jour.
Que préférez-vous manger ?
Le plat que je vais faire tous les jours. En fait, c’est ça. Le bonheur, il est là où tu le trouves. Maintenant si je dois m’inventer un plat… Si…Il y en a un que j’aimerais bien me faire, ça serait des lasagnes de poisson sauce carbonara à la béchamel. Je pense que ça doit être très bon. Ça doit être léger, ça doit être aérien. Le goût de la carbonara avec le poisson, ça doit aller très bien. Tu mets un petit peu d’épices là-dedans. Je veux dire…Ça doit être fabuleux à mon avis. (Il sourit). Bon, faut que j’essaie ça un de ces 4 matins. Bon, enfin pour l’instant, mon riz aux légumes me va très bien.
Combien de temps mettez-vous pour aller travailler ?
Pour aller ? 0 minute. Mes marqueteurs ne sont pas loin et parce que de toute manière je travaille beaucoup dans ma tête. A partir du moment où je me réveille, c’est déjà en train de tourner. Et après, c’est vrai que lorsque je sors de chez moi, le premier marqueteur il est à 3 mètres. Le deuxième, il est à 5. Le troisième il est à 10.
Ca y est, c’est parti ! Mais je n’ai pas besoin de passer dans les ateliers. Quand je me réveille, ça y est, c’est parti.
Que représente pour vous la mort ?
Le corollaire de la vie. C’est-à-dire qu’en fait…A partir du moment où il y a le berceau, il y a le cercueil après, à côté. Et tout l’art de la vie, c’est tenir le cercueil à distance le plus longtemps possible. (Il rit). Et puis, c’est tout.
Si ça m’inquiète ? Non. Parce que c’est comme ça. Parce que c’est le corollaire de la vie. C’est pas un problème que je peux résoudre, c’est pas un problème que je peux gérer, c’est pas un machin… Etant entendu que je ne peux rien changer au cours des choses, pourquoi tu veux que ça me soucie ? Ça ne me soucie pas. Ce n’est pas une fatalité, ce n’est pas une contrainte. Mais je ne peux rien y faire. Je ne peux pas y être efficace. Donc ça ne sert à rien d’y penser. C’est pas la peine que je m’emboucane la tête là-dessus. Autant m’emboucaner la tête sur quelque chose que je peux éventuellement modifier ou sur lequel je peux apporter quelque chose.
Ce qui est comme ça, c’est comme ça. S’il y a la vie, il y a la mort. S’il y a le blanc, il y a le noir. S’il y a le ying, il y a le yang. Quand tu nais, il y a le berceau, il y a le cercueil. Ils arrivent tous les deux. Automatiquement.
Qui est Dieu ?
Tout le monde. Il y a une part de Dieu dans chacun de nous. En chacun de nous, il y a un petit morceau de Dieu qui nous appartient ou non de faire fleurir, de taire ou qu’on veut étouffer. Dieu, il n’existe pas. Il est en chacun des êtres vivants. Ce petit morceau, ce petit truc, c’est la vie. C’est la source de la vie, la flamme de la vie. Il est dans les plantes…C’est la pulsion de vie.
Quelle est la personne qui vous inspire le plus ?
Ah, ça c’est compliqué…Comment veux-tu que je te réponde…En littérature, en cinéma, en généralité ?
Le type de personne ? C’est la femme. Pourquoi ? Parce que l’éternel féminin ! (Il rit). Voilà. Parce que c’est comme ça ! Parce que les femmes sont faites pour les hommes, parce que les hommes sont faits pour les femmes ! (Il rit). Parce qu’il y a une complémentarité, parce qu’il y a une recherche. On n’est pas complet, on n’est pas fini. C’est la complémentarité. Donc t’as une source pas possible d’inspiration.
Le but c’est de viser le tout. Et comme tu ne peux pas être le tout, il faut t’allier avec quelqu’un avec qui tu peux être le tout, ou un groupe de personnes avec qui tu peux être le tout.
Quelle est la chose la plus importante dans votre vie ?
Aujourd’hui. Demain, ce sera demain. (Il rit). Chaque moment que tu vis. C’est celui qui t’enrichit le plus puisque c’est celui qui existe, c’est celui qui te fait vivre en ce moment précis.
A quel âge est-on vieux ?
Ça c’est question de tête. Ça peut être gosse si tu n’es pas dans une structure qui te permet de t’épanouir. Tu es alors déjà vieux.
Mais c’est aussi à toi de choisir les situations dans lesquelles tu te mets. C’est toi qui détermines de toute manière. Tu peux accepter.
Il y a une majorité de…désolé pour eux…je suis très malheureux, très concerné de devoir le constater, de devoir le dire mais s’il y a 30 millions de malgaches, il y a 30 millions de vieux. A peu près. Parce qu’ils sont résignés, parce qu’ils acceptent. Parce qu’ils naissent par hasard, parce qu’ils vivent par hasard, parce qu’ils meurent par hasard. A partir du moment où c’est ça, t’es vieux.
Quel est votre meilleur souvenir en famille ?
En famille… C’est le jour où mon gosse a dit son premier mot. Il était autiste. Donc c’était une bagarre de quelques années. Le jour où il a dit « Lune ». La nuit quand il dormait.
Comment avez-vous rencontré votre conjoint/conjointe ?
Je vis seul.
Votre genre de musique préféré ?
Nuage de Django Reinhardt. Il y a un tableau que j’ai fait…C’est Nuage. Il me suit, depuis, depuis, depuis… Je l’ai continuellement dans la tête. Il est continuellement quelque part par là. Il revient tout seul. Il traverse la cervelle. Il fleurit comme ça sur la bouche, comme ça et machin.
La première fois que je l’ai entendue ? Pas si petit que ça. Je sais pas, je devais avoir combien… Dans les années d’étudiant. Je ne me rappelle plus exactement.
Croyez-vous en la politique ?
Non. Parce que c’est foiré depuis le début. Parce que la politique c’est l’art du pouvoir. Donc déjà c’est foiré au démarrage. Au départ… (il sourit). Le concept est foiré au départ. (Il rit).
Comment vivez-vous l’immigration dans votre pays ?
Parce que j’en ai vécu personnellement. Des bons souvenirs, des mauvais souvenirs, des bagarres aussi. Des machins, des ceci, des cela. Je l’ai vécue par tout ce qui est un peu misérable dans la vie. Par tout ce qui s’est passé dans les bidonvilles.
En tout cas, la Terre est à tout le monde. L’immigration n’est pas un problème qui doit se poser. Moi, on m’a filé un passeport. Ça s’arrête là. Mais la Terre est à tout le monde. Il n’y a pas à décider ceci ou cela.
Maintenant que tout le monde ait envie d’être sur la Côte d’Azur plutôt que dans le désert du Sahara, ou à la Réunion, ou à Madagascar où le climat est relativement agréable, ça se comprend aussi, je veux dire. Donc bon… Tu vas dans un endroit où tu as des chances de t’en sortir, c’est normal. Que les gens aient envie de sortir d’une situation foirée pour essayer de s’en sortir, moi je comprends.
Quelle est la meilleure invention selon vous ?
De l’homme ? L’ordinateur. Beh, oui, ça abolit les distances. Ça met la connaissance à la portée de tout le monde. C’est tout ce qui va avec l’ordinateur. Avec l’ordinateur, tu peux te permettre de ne pas voir quelqu’un pendant des années et de rester en contact avec lui, de pouvoir lui remonter le moral si ça va pas, qu’il puisse te remonter le moral…donc de garder des liens qui ne sont pas distendus et de vivre sa vie. Tu peux te permettre de visiter n’importe quel musée du monde. Tu peux visiter toutes les bibliothèques du monde. Tout ce que tu veux. C’est fabuleux. C’est fabuleux. Il n’y a plus rien qui t’échappe.
Je trouve cet engin fabuleux.
Qu’est-ce que l’amour ?
Ça, je sais pas. Une très belle histoire, oui. De très belles histoires. De très belles histoires qui ne peuvent pas durer toujours. De toute manière…. (Il rit). Parce que chacun est individu, parce que chacun est différent, parce que chacun évolue d’une manière différente… Il y a un moment où on est bien ensemble, et puis après, chacun prend sa route. Et puis c’est normal, et c’est bien comme ça.
Quel est votre plus grand rêve ?
(Il hésite). Je sais pas. Peut-être celui que j’ai fait depuis l’âge de 16 ans. D’aller me taper le carnaval au Brésil. Faudrait bien que je m’y mette un jour ou l’autre.
Si vous aviez un principe de vie ?
Beh oui, je te dis. Me faire plaisir et faire plaisir aux autres. Après, moi, j’ai pas de fric, j’ai pas de bien, j’ai pas de machin. Je suis un peu…Je suis vagabond. Même si je suis sédentaire, je suis quand même vagabond. Quand j’attaque quelque chose, en général, j’y connais rien. Donc, ça veut dire qu’il faut faire un effort pour arriver à niveau. Pour être efficace, c’est sûr qu’il faut faire un effort. Mais je suis Corse ! Enfin, je suis Corse… Si t’es pas obligé de faire l’effort, j’irais pas chercher l’effort pour l’effort. Je suis pas du genre à traverser l’Atlantique à la rame alors qu’il y a que du vent et des voiles. (Il rit). Ca me paraît complètement con. Tu vois ce que je veux dire. (Il rit à nouveau). Je vois pas pourquoi je vais m’emmerder.
Entretien le 25 juillet 2014 dans un restaurant à Antananarivo à Madagascar
Salut,
Un personnage qui se rapproche ou s’éloigne… de ce que je peux être.
Un personnage en tous cas,
Bon carnaval à toi l’ami.
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