La kermesse du passeport – Frontière Costa Rica – Nicaragua

Ca n’est pas sans regretter les fessiers de Santa Teresa ou la nature commercialisée du Costa Rica, que nous avons rejoint le Nicaragua. Un pays plus isolé, moins connu, moins sex. Mais avant, il y a la frontière. La frontière Costa Rica – Nicaragua.

La kermesse du passeport - Frontière Costa Rica - Nicaragua -Couv

Version transhumance

Ayant choisi les transports publics, et non les compagnies de bus Platinum « Je suis un américain », nous avons opté pour la version transhumance.

Arrivée à la sortie costa-ricaine, grosse file d’attente. Le pays la joue un peu propret, on se serre à la file indienne le long des rampes qui mènent aux bureaux. Une bonne heure d’attente.

Chaque passage de frontière est pour moi le plaisir renouvelé de la rencontre avec les agents de l’immigration. Leur accueil, leur amabilité, et leur douceur sont autant de déchirements avec le pays quitté, qu’ils sont des trampolines de bonheur à l’idée de découvrir le pays d’arrivée.

Non, c’est une certitude de mon tour du monde : le tamponneur de passeport est un mammifère apathique, machinal et auto-suffisant. Planqué derrière sa vitre sale, trônant sur sa petite fierté d’agent assermenté, il s’est mis le sourire dans le derrière et le derrière à la place de la tête. Pas de complaisance esthétique là-dedans, il n’y a rien de cubisme. Sinon peut-être la quadrature rigide de son esprit prompt à s’électriser de plaisir à la lecture du dernier décret douanier.

De l’Afrique du Sud au Vietnam, en passant par les Etats-Unis, ces fonctionnaires aux barrettes en plastique ne savent ni saluer, ni sourire, et ont comme petite jouissance personnelle d’étirer le plus possible les files d’attente. Leur pouvoir se limitant majoritairement au temps savoureusement consommé à l’encrage du tampon, nous avons à faire aux seigneurs de la fourniture de bureau, aux vizirs de l’agrafeuse.

Et je ne parle pas sans savoir. Nous en avons jusqu’ici expérimenté 34.

17 passages de frontières,  vous comptez, ca vous donne une ribambelle de copains, une explosion de saveurs et un feu d’artifices de jolis sentiments.

A mon tour

Ici, au Costa Rica, après une heure et demi d’attente, nous avons donc eu le thème « Attendez dix minutes, je parle avec les collègues de mon gros pistolet ».

Ma patience pour les cons administratifs étant réduite à sa plus simple expression, je me suis donc aguerri, sous le commandement d’Eve, à ces orgies de plaisir. A chaque reprise, je viens désormais accompagné par mon copain, le sourire.

Oui, dans ce genre de cas, mon sourire devient une entité indépendante. Sans aucun rapport avec mon envie de baffer le gars d’en face, il mène sa vie en accord avec les règles les plus basiques de la vie en société, et ne se destine qu’à l’objectif bien altruiste de m’éviter des ennuis avec les champions de la connerie.

Un sourire très bricolé, sans allure, mais magnifiquement constant. Une forme d’ellipse, statique,  découvrant mon émail crispé, et laissant pointer les replets généreux (appelle-t-on ca des rides ?) de mes joues. Un sourire de niais qui flirte dangereusement avec le vide, prêt à subitement basculer vers la gueule d’un Yorkshire hystérique. Et sans le palmier nunuche sur la tête. Non, non. En mode pas content.

Monsieur dandine sur sa chaise à roulettes, fait la blague à la voisine, sourit au voisin qui lui montre son dernier pistolet. Ils sont trois, ils rigolent. Mon sourire attend dans la peur évidente que mes rides soient au bord du claquage. Les minutes passent, la tension est maximale.

Le conciliabule des tamponneurs flingués se termine dans un tapotage d’épaules de série B. Ils se prennent pour Starsky et Hutch.

C’est à moi.

Pas de bonjour.

C’est bien un agent de l’immigration.

Puis, dans un mouvement ralenti quasi-larvaire, je vois son corps se muer comme pour étirer son buste et allonger son cou.

Je sais. Il va parler !

« Vous n’avez pas le papier… qu’il faut payer à l’autre guichet ».

Et merde.

Nicaragua cool

Après s’être bien amusé au manège costa-ricain, nous partons sacs sur le dos, dans la chaleur, au milieu des chevaux et de nombreux locaux bien chargés vers la frontière côté Nicaragua. Cette grande transhumance administrative entre les deux postes frontières me paraît hallucinante.

Entre deux Etats, et donc au milieu de rien, nous longeons d’énormes camions, croisons des pousse-pousse et des échangeurs de monnaies. Autour de nous, la forêt s’étend et ses clôtures sont éventrées. Les vaches et les lapins se font plaisir. Ils font des allers-retours gratos entre les deux pays.

Jusqu’alors coincés dans les chemins balisés, la nature reprend ses droits, et c’est un heureux n’importe quoi.

Le passage de la frontière, mais ici entre le Panama et le Costa Rica

Je vois alors 3 grandes planches de contre-plaqué, perdues à côté d’un grillage, posées à la verticale à même le gravier, d’où un homme nous interpelle. Voici le premier poste de la douane nicaraguayenne.

Deux hommes assez âgés, une femme sans uniforme se marrent bien. Ils inscrivent notre pays d’origine sur des feuilles volantes, nous questionnent sur la cuisine de la France. Il ne manque plus que le tapis, et on va se faire une belote. Nous posons pour la photo officielle dans une atmosphère bon enfant. Ici, la douane a choisi le concept artisanal sympa. Je cherche des yeux la soupe bio et le panneau « Maisons d’Hôtes ».

Nous marchons un peu plus, et retrouvons les bâtiments bétonnés de l’immigration. Mais cette fois-ci, cela va dans tous les sens ! Les files d’attentes se croisent, tout le monde se mélange. C’est le grand bal des tampons,  la kermesse du passeport.

Entre les chauffeurs de taxi, les touristes, les locaux et les vendeurs de mangues vertes et salées, nous sommes déjà dans le pays sans en avoir le tampon ! C’est bien la première fois depuis plus d’un an que nous rentrons dans un pays librement, sans même s’être affranchi des obligations d’entrée. Evidemment, autant y procéder et faire les choses dans les règles, mais je crois que nous aurions bien pu partir vers la capitale sans papiers !

Pas vraiment de règles ni de sécurité au poste frontière, donc.

Une multitude d’affiches de Daniel, le révolutionnario-dictateur du Nicaragua.

Les bus scolaires jaunes et défraîchis des Etats-Unis à tous les carrefours.

Et des images de Jésus sur tous les parechocs et les parebrises des voitures.

En avant pour le Nicaragua !

Matthieu

Evetmatt Jaiuneouverture

Bienvenue sur ce site pétri de nos mains avec un peu de levain, de connexion cyclothymique, et d'amour. Enfants du pays du canard, mariés et Parisiens pendant 7 ans, nous avons quitté femmes et enfants il y a un an pour faire tel Spoutnik le tour de la terre. On n'est pas encore sur orbite, mais on est contents quand même. Et on vous le partage ici ! Eve et Matthieu

3 commentaires :

  1. j’ai bien aimé ta description des agents aux frontières. Il y a parfois des exceptions. Au nicaragua, on était tombé sur un mec tellement charmant … A la frontière entre l’équateur et la colombie, idem des militaires incroyablement gentils qui nous ont offert des bananes !!! C’est en général dans les postes de frontière les moins empruntés qu’on a de jolies surprises.

  2. Salut,
    Bien torché cet article. Avec tout le détachement qu’il faut on sent toujours le bien (mal) vécu affleurer.
    Bonne route

  3. Ping : Parmi les volcans du Nicaragua

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