Depuis quelques jours, Uluru n’est plus un monolithe que l’on escalade. Il perd là peut-être son deuxième nom – Ayers Rock – et c’est probablement une bonne chose.
J’ai souvent écrit dans ce blog combien l’Australie représentait pour moi, le pays occidental – parmi ceux que j’avais visités – qui m’attirait le plus.
Des discussions qui s’éternisent à la caisse des supermarchés, et qui ne gênent personne…c’est du vécu. La plupart des commerçants qui prennent le temps, des tas de questions sur notre pays, notre vie, et notre voyage. Des tongs pour aller au boulot, du retard s’il en faut, et à dix-sept heures, autant rentrer tranquille à la maison. Il m’est difficile de me souvenir d’autre chose que d’une population souriante, et d’un état d’esprit positif.
Un agréable symptôme peut-être de ce qu’on appelle, l’IDH, l’indice de développement humain qui fait culminer l’Australie au deuxième rang mondial. Il explique peut-être aussi que les jeunes Français optent en nombre, près de vingt mille chaque année, pour le visa de touriste à destination de l’Australie, – obtention possible sur un site comme auvisa.org -, faisant de ce pays la destination préférée ici pour un permis « vacances-travail ». Un nom qui semble contenir en deux mots l’idée que je me fais du quotidien australien.
Dans ce pays aussi vaste que sauvage, aussi divers que si peu densément peuplé, la nature semble être partout le cadre de la vie. Elle n’est pas un square, un bois à l’ouest, ou un bois à l’est. A Sydney, la faune urbaine et ordinaire qui se décline en perroquets, chauve-souris ou marsupiaux, est exotique pour les yeux d’un Européen. Mais la nature ne s’y résume pas ; il est rare face au building d’un centre d’affaires de pouvoir embrasser la mer, d’attendre au milieu des costumes un ferry pour la plage voisine, ou d’apercevoir entre deux façades de briques rouges les voiles bombées d’un immense voilier. Ici, c’est normal.
Les chemins piétonniers sinuent le long de la baie ; ils s’enfouissent parfois dans une végétation luxuriante puis se ravisent au-devant des pelouses parfaitement tondues mais des hibiscus en nombre aux couleurs si vives. La moindre grotte est « Remarkable » en Australie si l’on en croit les panneaux touristiques. Et pourtant, elle sera décevante ; car ce qui est remarquable en Australie, c’est son ordinaire. Je me souviens avoir traversé une plage dans la banlieue de Sydney, et posé chaque pied entre des milliers de toutes petites étoiles de mer.
La relation du pays à la nature qui l’encercle, à son environnement qui le précède sont si forts. Tout me semblait ne pas concorder avec la triste gestion de sa communauté primitive, les Aborigènes.
Les seuls mendiants que j’avais croisés il y a plus de dix ans, jouaient sur le port du didgeridoo l’alcool à la main. Un tour si bien vendu m’avait amené sur la plus grande île de sable au monde, ses somptueuses plages de sable blanc, et ses eaux lacustres d’un vert de jade ou d’un bleu cristallin. Le bus était quatre quatre, on y défonçait comme des pionniers dans l’outback les obstacles des pistes, on roulait pétaradant rigolant sur les grandes baies du Pacifique. On ignorait dans le même temps la terre de ceux qui y habitaient.
Je ne me sens pas un Occidental éveillé quand je me pense héritier, je ne me sens pas un Occidental à l’aise quand innocent, je suis colon. Je ne me sens pas bien tout court avec l’Occident quand on que les souvenirs achetés au Duty Free pour se rappeler des Aborigènes ou des Indiens. On leur fait prendre la marée, ils boivent avec ; ils oublient et nous aussi.
Alors, je suis content qu’on n’escalade plus ce rocher sacré que les Aborigènes ne montaient pas. On laissera ce monadnock tranquille parce qu’on n’a pas besoin de se mettre sur le sommet de tout. On laissera croire aux Aborigènes ce qu’ils y voient, ce qu’ils y sentent, ce qu’ils y trouvent sans jamais n’y toucher. On leur laissera ça, et on escaladera autre chose, nous-mêmes, pour en avoir fait le tour.