Surfeur mes fesses ! Santa Teresa au Costa Rica

Depuis notre arrivée au Panama, nous n’avons plus de guide. On se laisse porter par les opportunités. Bernie, un Irlandais rencontré au Panama, remontait lui aussi vers le Nord, et plus précisément Santa Teresa au Costa Rica. On l’a suivi. On n’a pas été décu…

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Partis pour des contrées sauvages et reculées

Départ à 5 heures du matin de San José, la capitale du Costa Rica. Une ville à moitié dans ses douillettes origines, à moitié frétillante dans ses périphériques, ses buildings et ses fast foods sales.

Nous prenons le bus, et il sent déjà la poussière et la chaleur. Des fenêtres verrouillées de fatigue, des revêtements en sky turquoise, des rideaux élimés. Les cuisses vont coller sur les canapés ! On tente de calculer où le soleil va taper ; on s’asseoit à gauche, on s’asseoit à droite ?

Ah…on a choisi le mauvais côté. Il fait torride.

Je suis dans une étuve, et à force de perdre mes eaux, il va bien falloir que j’accouche. Eve, c’est décidé, sera le père de mes enfants.

Je me souviens alors dans une triste nostalgie des bus réfrigérés d’Asie – de véritables chambres froides – et de leurs musiques dance-pop prêtes à électriser n’importe quel neurasthénique. On sortait les pulls et les cagoules, les boules quiès, et les masques sur les yeux. On pouvait s’endormir tranquillement en attendant la cryogénisation.

J’ai chaud, il y a de la poussière partout, mais j’aime bien ça. Ca sonne souvent le départ pour des endroits paumés et sympas.

Nous arrivons au port, pour un départ en ferry. Le graillon des saucisses envahit cette place goudronnée et brûlante. Nous payons de nos lourds balboas le ticket, et rejoignons le bateau.

La musique est à fond, la lumière se réfléchit sur les grandes peintures blanches, la chaleur circule sous les bâches plastiques bleues qui nous servent de toits. Autour de nous, l’océan Pacifique est venu se perdre au milieu des collines asséchées de la péninsule de Nicoya. Sous cet immense soleil, coincidence ou non, je regarde un film au titre évocateur : Les Promesses…de l’ombre.

Débarqués du ferry, nous reprenons le bus, et roulons sur des routes caillouteuses. Les arbres, les plantes, recouverts de la poussière volatile sont totalement gris. On s’enfonce dans un Costa Rica reculé. Ca va être sauvage, sympa !

Nous descendons du bus.

Sacs sur le dos, nus pieds, chemins de terre et de graviers, on passe devant les quelques commerces. Ils sont bétonnés. Ce sont des banques moches, des restaurants aux affiches modernes et médiocres, bordant une belle végétation de palmiers et de plantes tropicales.

Il y a bien quelques gargottes un peu plus locales, disposées à la va vite dans des encarts de verdure, mais les prix sont affichés en dollars. On attend le touriste.

Une faune techno

Nous marchons en direction de l’hôtel.

Sur la route défilent des…4×4, des gros 4×4 conduits par des blancs. Des quads pétaradant de poussière sur lesquels trônent des gars musclés, ultra-stylés.

Pardon, je cherche le Costa Rica. C’est où ?

Casquette à l’envers, lunettes de soleil aux verres arc-en-ciel, torse nus aux pectoraux huileux et visages cuits de la dernière soirée, je suis au rayon hommes, version superficiel.

J’aperçois alors la version féminine.

C’est une véritable ballet des fesses. Les filles, en général la vingtaine occidentale, ont pris des maillots de bain, taille 14 ans. Eve m’explique que c’est la nouvelle mode. Ca n’est pas un string, ca n’est pas une culotte. C’est un entre-deux ;  le tissu n’arrive pas à se décider.

Tout ce petit monde déambule, dandine, dodeline. On se montre la fesse, on s’envoie des regards. On se drague. C’est la ronde de la sueur et des sens. Les hormones s’entrechoquent, s’envoient en l’air dans un ping pong cosmique et invisible.

Ce soir, ici, va se jouer la grande conférence de l’accroissement naturel.

J’essaie de me frayer difficilement un passage entre toutes ces particules volatiles de sexe.

Au moins, l’observation de la faune locale ne nécessite pas d’être méticuleuse pour être exhaustive.

Le jeune cool se déplace en bande. Il arbore ses tatouages, crispe ses abdominaux, se recoiffe la mèche, et si la testorénone ne lui réchauffe pas trop le coeur et le maillot, il porte la nuit des T-Shirts vantant les mérites de la bière nationale. Il a trouvé ses lunettes dans un seau de javel, porte sa casquette américaine à l’envers ou de trois quart. Il place les deux mots « Hey Man » à chaque fin de phrase comme pour se rappeler à lui-même qu’il parle entre testicules, oui, mais testicules stylées.

Tout ça est un peu lassant car on est dans la sophistication extrême du cool.

Les filles de Santa Teresa, ont elles, aussi parié sur la mise à nu. On n’est pas dans le registre de la femme qui se dévoile et qui dépose à la plage quelques pudeurs pour inspirer discrètement les secrets de la nudité. Non, à Santa Teresa, le tissu n’est plus là que pour pérenniser un soutien mince mais sincère à l’industrie textile de la région lorraine.

Parfois, on joue la différence. On porte des dreadlocks comme pour rappeler que l’aseptisé ne sera jamais le rebelle. Il faut être un peu dirty pour confiner à l’indépendance de ton.
En tout cas, la mode vestimentaire a choisi ses couleurs. Parfois, j’ai cru voir parader des armées de stylo fluos.

En fait cette atmosphère est dérangeante. D’abord, j’avoue, je ne suis pas très à l’aise au milieu de toute cette fausse attitude cool, branchouille, et impudique.

Et surtout,  je n’aime pas les parcs d’attractions pour occidentaux. On annexe certains territoires du monde qui ont une belle gueule, on vire les locaux, et on y installe le tourisme à l’occidentale.

On peut ainsi faire 15 heures d’avion pour se retrouver un peu comme chez soi, un peu entre soi, mais au soleil et sur la plage. On est au Costa Rica, sans y être.

Ce sont les petites colonies modernes de l’industrie touristique occidentale.

Le Lonely Planet que j’ai lu après coup parlait d’un endroit tranquille, paisible… Ils ont dû beaucoup fumer à la rédaction…

Pura Vida : un hôtel de clous et de cafards

Notre hôtel a lui aussi décidé d’être indépendant de ton. Pas aseptisé pour deux sous, non, Monsieur a choisi le style dirty.

Madame la propriétaire, une quinqua européenne, fumeuse de son poumon, fumiste de son état, parée d’une bande d’acrylique non identifiée large de 6 centimètres sur ses deux seins, nous reçoit. Elle nous accompagne jusqu’à notre bengalow.

Une honte.

Les planches à l’entrée de la cabane ne tiennent plus à leur clous. Elles sont cassées, elles brinquebalent. On appuie sur une extrémité, l’autre se relève subitement, la planche tourne sur elle-même et tombe de la plateforme.

Nous ouvrons la porte. Un lit est superposé au dessus d’un lit double. Le toit, originellement recouvert de feuilles de palmiers, a perdu ses branches en de nombreux endroits. Les espaces béants ont été rafistolés avec des bâches trouées et volantes.

Au sol, les plinthes et les baguettes sont absentes, mais les clous eux sont restés. Ce soir, c’est crucifixion assurée.

Une seule douche marche pour tout l’hôtel. Nous sommes une quarantaine. Seule une toilette fonctionne. La cuisine commune est fermée, les poêles carbonisées flottent encore au vent.

On croirait en un complexe communiste touché par l’explosion de l’URSS. Mais au Costa Rica. Un musée de la rouille. Le paradis du téthanos.

Le tout pour la modique somme de 45 dollars la nuit.

J’ai pris ma douche au milieu des feuilles mortes et des cafards, et je suis allé dormir en me disant que si on avait laissé ce lieu aux locaux, on n’aurait pas connu ça. Depuis un an qu’on voyage, nous n’avons que très rarement vu des endroits pareils. A chaque fois, ils étaient tenus par des chaînes ou des personnes venant faire du profit. Jamais par des petites familles, ou des employeurs locaux.

Ps : nous sommes tombés le dernier jour de l’ancienne gérante. Laissons donc la chance aux nouveaux propriétaires !

Une plage et un océan magnifiques

La plage, l’eau et les vagues ont été d’un réconfort inversement proportionnel à mes mélancolies hôtelières et générationnelles.

Santa Teresa est peut-etre une des trois plus belles plages que j’ai vues dans le monde. Je mettrais bien haut celles des îles Togian en Sulawesie, de la Bay of Fires en Tasmanie ou celles de Corse.

Mais celle-ci est très large, relativement sauvage, bordée de palmiers et d’une forêt typique d’Amérique Centrale.

Je crois que je n’ai jamais connu une eau si bonne. Eve a eu le même sentiment. Elle est y à parfaite température. Ni trop chaude, ni trop froide. Et les vagues… Longues, hautes, lorsqu’elle ses cassent, elles dévoilent sous l’écume un bleu turquoise .

On s’est éclaté avec Eve et Bernie. Pour notre première baignade, on a dû y passer deux heures. Emportés dans la machine à laver, massés par ces puissantes vagues, j’ai adoré. Lorsque nous faisions face à cette belle côte, j’ai à nouveau été pris d’une félicité naïve, comme à Playa Venao au Panama.

J’ai à nouveau pris conscience du plaisir que j’avais à faire ce voyage avec Eve, et la valeur des efforts que nous avons consacrés à réaliser ce projet de tour du monde. J’étais bien.

L’arrivée du crépuscule, les reflets oranges du soleil sur l’eau, les surfers dessinant des lignes acrobates à l’horizon, et les colonies de pélicans survolant de près les crêtes des vagues donnaient un côté irréel. Un peu magique, éternel.

J’en ai profité pour surfer, et aussi néophyte que je le suis, j’ai pris du plaisir à tenir sur une planche au milieu d’un si bel environnement.

J’ai attendu que le soleil se couche, je suis revenu sur la plage.

Les jeunes cools avaient sorti les lunettes javel et les chaises pliantes, et les avaient alignées comme au cinéma pour regarder le Sunset. Oui, ici, le sunset, c’est une institution qu’on ne loupe pas.

Puis, j’ai revu un cul.

On ne refait pas Santa Teresa.

Matthieu

Evetmatt Jaiuneouverture

Bienvenue sur ce site pétri de nos mains avec un peu de levain, de connexion cyclothymique, et d'amour. Enfants du pays du canard, mariés et Parisiens pendant 7 ans, nous avons quitté femmes et enfants il y a un an pour faire tel Spoutnik le tour de la terre. On n'est pas encore sur orbite, mais on est contents quand même. Et on vous le partage ici ! Eve et Matthieu

8 commentaires :

  1. J’étais à Santa Teresa l’été dernier et je n’ai pas du tout ressenti la même chose que toi là bas. J’ai trouvé cet endroit très cool, certes très américanisé avec de beaux surfers blonds et des smoothies à emporter mais aussi une tonne de locaux qui te disent « pura vida » avec la planche de surf à la main et les petits pêcheurs au bout du village. Je m’y suis sentie bien, apaisée. L’endroit est splendide surtout playa Hermosa ! On était dans un surf camp tenu par un français qui était super. Cours de surf et conseils d’excursion.
    Santa Teresa est l’endroit qui m’a le plus plu au Costa justement pour son côté un peu moins touristique que le reste du pays.
    Je pense que tu n’es pas allé à Nosara car là bas, vraiment, c’est l’Amérique… Yoga, Vegan food et tout le tralala. Et là, ça te dégoûte !

    • Maia, merci d’avoir posté ton commentaire, et un avis différent. Pour notre part, c’est vrai que sur les 2 ou 3 kilomètres que nous avons « fréquenté », il devait y avoir 1 Costa Ricain pour 10 occidentaux. On était dans une maison avec des Canadiens et un Irlandais, et nous avons tous partagé le même sentiment. Après, était ce la période ? Nous y étions en pleine saison touristique. Santa Teresa s’étire sur plusieurs kilomètres le long de la plage. Etions nous au mauvais endroit ? Un matin, pour prendre des photos, je suis resté pendant 2 heures sur la plage, à regarder les gens. J’ai du voir moins de 10 Costa Ricains.
      Je ne sais pas, mais en tout cas, ce que je ressens aussi à la lecture de ton comm, c’est que tout est relatif. Et peut être, oui, effectivement, nous nous sommes tellement habitués à être dans des endroits paumés que ce fut pour nous un choc. J’ai entendu parler de Nosara et de San Juan au Nicaragua, et j’ai pu comprendre qu’à San Juan, c’était « pire » qu’à Santa Teresa…Je n’ose pas imaginer. 🙂

  2. REFRAIN
    Sur la plage, dans le sable,
    Je recherche des sensations,
    Sur la planche, sur la vague,
    Je ressens des sensations,
    La Femme

  3. Ahhhhhhhhh, quel plaisir cet article acéré!
    Tu vois, la frustration et le fait que tout ne soit pas toujours idyllique dans un quotidien de voyageur comme dans n’importe quel quotidien finalement, peut donner vie à de jolies diatribes 😉

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  6. joli post, tu étais la bas a quel période?

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