Retour à l’école au Nicaragua

J’avais appris l’espagnol à l’école. C’est ma deuxième langue. Matthieu, lui, c’est anglais et allemand. Alors, pour remettre ou mettre tout ça au clair, nous avons fait un petit retour à l’ école au Nicaragua.

Esteli au Nicaragua (14)

Après deux-trois petites recherches sur Internet, l’école de Norma a Esteli s’est imposée. Une immersion dans une famille et 4 heures de cours par jour, ça nous plaît. On débarque là-bas, juste après 2 jours de trek sur le volcan Telica et la chaleur étouffante de Leon. On espère que les cours ne commenceront pas dès le lendemain !

Nous prenons nos marques chez la prof et nous nous rendons vite compte que nous allons vivre au milieu d’un petit monde original et sympathique.

Norma, la prof, qui ne sait pas exactement son âge parce que son père a déclaré sa naissance deux fois, aurait d’après ses calculs 48 ans. Sa fille cadette, Leslie qui fait des études de médecine, et travaille TOUT LE TEMPS. Alvaro, le compagnon plus jeune de Norma qui est un vrai showman sans demi-mesure. Marcito, un Français de la cinquantaine, tombé amoureux du pays et qui cherche à y faire commerce.

On découvre aussi la mentalité Nica : des blagues à longueur de journée, plus ou moins potaches, tirant souvent sur le graveleux. Le sexe est le premier sujet de rigolade. On ouvre des yeux ronds quand Norma, au moment du déjeuner, sert à Marcito son assiette deux boules de riz encadrant une banane frite.

Norma, si elle nous donne des cours classiques, en profite aussi pour nous décrire son pays, sa culture, son économie. On a le sentiment d’être face à des contradictions permanentes. La musique et la danse sont très latines, au sens sensuel du terme, et pourtant le sexe dans son côté sérieux –contraception, MST, amour, violence- est LE grand tabou.

C’est la vie

Norma a une vingtaine de demi-frères et sœurs, Alvaro une trentaine. C’est un phénomène qui tend à disparaître, mais ce n’est pas encore ça. Les jeunes filles sont enceintes très jeunes et souvent laissées par le père. Comment l’histoire se répète-t’elle ? Comment une fille de 14 ans qui a vu sa mère souffrir de sa condition de femme et de mère, reproduit-t’elle si grossièrement les mêmes erreurs ? Ca choque mon cerveau mais je dois apprendre à comprendre ce que signifie « manque d’éducation ».

Finalement les choses sont ici telles qu’elles sont. On y réfléchit peu ou pas. C’est la vie.

Bien sûr, l’école est absente ou verrouillée. Norma qui a la parole si libre, est obligée à l’école, de se cacher derrière des formules politiquement correctes pour faire passer certains messages. Et encore, elle risque sa place.

Les viols sont également courants. Comment les garçons en adoration devant leur mère, font ensuite le tourment de leur femme ?

Ici il y a un machisme flagrant qui s’explique de la façon suivante (attention, je ne sais pas qui est l’œuf de la poule). Les hommes viennent et partent sans respect et sans engagement, les femmes dénigrent les hommes. Mais malgré cela, il n’y a pas de célibataire !

Quand on vous parlait d’immersion et de contradictions…

Nous avons rencontré d’anciens sandinistes. Nous avons parlé politique, économie, guerre, et à nouveau nous avons eu des surprises. Ces personnes sont si engagées, qui ont vu les gens mourir, qui se sont battus considèrent aujourd’hui que si une révolution ne servirait pas à grand-chose, ils aimeraient malgré tout en refaire une. En fait, pour eux, les révolutions sont nécessaires même si elles ne permettent que de maigres avancées. Très inspirés par la France, ils rêvent d’ailleurs et de nous voir nous rebeller à  nouveau, chez nous.

Nous avons été plongés dans un monde fataliste et révolutionnaire, chrétien et païen, désillusionné des hommes politiques et pourtant très politisés.

Chrétiens et païens, pourquoi ? Il y a cette foi qui semble innée et naturelle, très fortement relayée par les évangélistes venus des USA. Il y a donc la croyance chrétienne qui s’impose comme une évidence et… le fait que « promis, juré, le voisin se transforme en singe la nuit tombée ».

Pour nous, mis à part les progrès en espagnol, ca a été un ping-pong halluciné entre modernité, traditions, critiques et croyances, envie de changer et immobilisme.

Nous devions y rester une semaine. Nous en avons passé 3. C’est dire si ce brouhaha nous a plu !

Eve

PS : le site de l’école de Norma et sa page facebook

Evetmatt Jaiuneouverture

Bienvenue sur ce site pétri de nos mains avec un peu de levain, de connexion cyclothymique, et d'amour. Enfants du pays du canard, mariés et Parisiens pendant 7 ans, nous avons quitté femmes et enfants il y a un an pour faire tel Spoutnik le tour de la terre. On n'est pas encore sur orbite, mais on est contents quand même. Et on vous le partage ici ! Eve et Matthieu

6 commentaires :

  1. Quel bonheur de lire un article si pertinent sur le nicaragua, ses ideaux, ses failles, ses realites. C’est encore trop rare de lire sur des blog voyage des tranches de vies comme celle là. Cette immersion a du etre a la fois intéressante et déroutante. Les questions de grossesse précoce et tout ce qui s’en suit ne sont malheureusement pas specifique à ce pays. L’accès à l’éducation sexuelle et à la contraception est un enjeu majeur dans l’émancipation des femmes. Le nicaragua est un de nos pays de coeur ! Bonne route à vous.

  2. Quel et le coût d’une semaine en dormant chez l’habitant ?

  3. Nous voici vraiment dans l’ambiance de l’Amérique latine!

  4. Salut
    Aller du particulier au général. De la langue, l’espagnole, au macho-féminisme. Passer par l’esprit Chrétien ou Sandino révolutionnaire en vain.
    Espérer.
    Du bien ramassé. Du bien senti-niste.
    Bravo
    Bizz

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